la revue du vin de France
février 2007

LE MATCH

FRANCE – ESPAGNE
ROUSSILLON – PRIORAT
LE DERBY CATALAN

 

par Antoine Gerbelle

 

Catalogne du nord contre Catalogne du sud: l’idée de cette confrontation excite nos papilles depuis que nous voyons s'agrandir le fossé économique entre ces deux appellations phares de la Méditerranée occidentale. D'abord, soyons précis. Il ne s'agit pas de vignobles voisins : 275 km et les Pyrénées séparent Perpignan de Falset, le centre économique du Priorat. Mais ils ont en commun de produire des vins rouges riches en alcool à partir des mêmes cépages (grenache noir et carignan noir dominants) sur un substrat proche, dominé par des schistes décomposés, sur des coteaux en terrasses. Ils partagent aussi un climat sec, voire très sec, sous une influence maritime qui rafraîchit les nuits. Dans les deux cas, nous sommes face à des vignobles dont l'origine se perd dans la nuit des temps, jadis réputés pour leur vins noirs, épais, fortifiants, de coupages jusqu'à Bordeaux...), et dont le retour parmi les vins secs de qualité internationale est récent. Ils parlent la même langue sans avoir la même nationalité.

Le Priorat en plein essor
Dans les années 60, la région du Priorat était l’une des plus pauvres d'Espagne. Depuis, le vignoble a été multiplié par dix (2 000 ha). Les négociants internationaux, tels Miguel Torrès ou Osborne, s'y étendent. Plus de dix caves naissent chaque année. Avec des investissements extraordinaires, comme le projet architectural de Sergi Ferrer-Salat, fils d'une grande famille barcelonaise, et Raul Bobet, ex-maître des vinifications chez Torres (www.ferrerbobet.com).
Les Côtes du Roussillon Villages ("CDRV", en AOC depuis 1999) désignent les rouges produits sur 32 communes du nord-ouest de Perpignan. Les coopératives en panne d'ambition ont ici été doublées par les caves particulières de vignerons enthousiastes, suivis par des investisseurs professionnels sérieux tels Jeanjean, Gérard Bertrand ou le saint-émilionnais Jean-Luc Thunevin.
Cette confrontation organisée par un jury français (il est important de souligner notre culture de goût) confirme que le Priorat ne produit pas les vins les plus digestes. Sauf exception, nous avons unanimement apprécié chez les Espagnols les millésimes "légers", comme 2002. A table, l'avantage va au Roussillon, du fait de leur fraîcheur préservée, de leur équilibre, de leur moindre charge tannique. D'autre part, la tenue dans le temps des priorats (au-delà de dix ans) relève de la spéculation.

Le Roussillon doit progresser
Exception faite de bouteilles telles que l'Ermita d'Alvaro Palacio (entre 350 et 550 €, non présentée à la dégustation), les priorats sont en moyenne deux fois plus chers que les roussillon-villages, sans justification pour une majorité. Et le Priorat peine à vendre sa production, surtout sur le marché intérieur. D'ici à peu, des deuxièmes vins, moins étoffés, moins boisés et plus faciles d'accès, seront d'ailleurs disponibles.
D'un point de vue gustatif, les deux familles ont leur travers. Le défaut principal des priorats est la surextraction et l'assèchement par un élevage en barriques au boisé toasté et "cocolactone". Des vins exagérés, qui manquent de finesse et de raffinement, mais jamais de concentration. En Roussillon, les imperfections (plus nombreuses au prorata des vins dégustés) se situent parmi des rouges d’expression végétale, en sous-maturité phénolique, rustiques en tanins, imprécis dans l'élevage (déviances aromatiques), gâtés par des boisés de mauvaise qualité. En cela, le Roussillon doit continuer à combler son retard technique et oenologique.

15/20
PRIMO PALATUM
FRANCE
CÔTES DU ROUSSILLON ROUGE 2002

Un vin aromatique, avec un nez sur le gratin de fruits rouges, dominé par des notes de fraises.
En bouche, la matière est élégante et dense, en restant dans la fraîcheur inhérente au millésime.
Un roussillon digeste et équilibré.

14.5/20
PRIMO PALATUM
ESPACNE
PRIORAT 2000

Après aération, le nez s'ouvre sur des notes de torréfaction et de fruits compotés.
La bouche est pleine, charnue, chaleureuse, également portée par des arômes mûrs et persistants.
Finale fine et douce.

 

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